Branché ou débranché?

Mis en ligne sur FDV, un article de Jean Aubry.
http://www.ledevoir.com/loisirs/vin/313130/branche-ou-debranche-en-2011

Rien de nouveau, il me semble, mis à part cet énoncé duquel je suis en désaccord,

""- Boire ses portos vintages tout au plus cinq ans après l'année de la récolte.""

- Oser prendre position avec ces mots qui sont les vôtres pour décrire un vin et trancher: votre opinion vaut bien celle de la critique en matière de goûts!

Un belle connerie que cette idée, à tout le moins pour l'aspect "trancher", pourtant répétée sans cesse par la presse spécialisée. Terry Theise a une pensée qui résume fort bien la situation :

"Similarly when I take my car to a mechanic, he hears different things in the engine hum than I do. A iano tuner hears minute tonal variances to which I am effectively deaf. A massage therapist discerns muscle tensions of which I'm not conciously aware. All of these examples of expertise we take for granted. And yet if someone asserts expertise in wine, we are promptly suspicious; we sniff for snobbery, we get defensive. Why?"


- Boire ses portos vintages tout au plus cinq ans après l'année de la récolte.

Pour les boire sur le fruit et l'alcool? Mais alors qu'on ne vienne pas nous casser les oreilles avec les bombes parkérisées déséquilibrées et pratiquement imbuvables... Faut être cohérent. Par contre, on peut aussi interpréter la chose de la façon suivante : vos porto 1994, 1997, 2000, 2003 ne seront pas vraiment prêts avant 2030-2050, alors si vous comptez les boire de votre vivant, pourquoi pas les boire en prime jeunesse.

Si un néophyte perçoit moins de chose dans le vin (selon l'analogie que Theise fait avec d'autres domaines), son opinion vaut donc plus que celle du critique dans l'expérience du vin qu'il boit, car il ne pourra de toute manière pas percevoir toutes les nuances avec son bagage limité. Il est d'une certaine manière heureux dans son "ignorance" et avec ses choix, et il fait bien mieux de se faire confiance, que de boire des trucs qu'il n'aimera pas. Un amateur un peu plus curieux pourra quand à lui s'inspirer de ce que dise les pros dans sa découverte.

Également, je trouve douteuses les comparaisons avec la mécanique et la kinésiothérapie, domaine où il existe des certitudes contrairement au vin, et qui n'ont rien à voir avec l'appréciation ou le plaisir comme tel.

Aubry parle de goût, alors que Theise parle d'expertise, ce qui me semble deux choses bien différentes. D'ailleurs le "bon goût" véhiculé par les experts et certains cercles de connaisseurs évolue dans le temps et est influencés par de multiples facteurs culturels qui n'ont rien à voir avec des vérités absolues. Il s'agit juste de voir les vins qui étaient les plus recherchés il y a des dizaines ou centaines d'années pour constater que le "bon goût" évolue constamment comme dans les arts.

Michel Therrien a écrit:

Rien de nouveau, il me semble, mis à part cet énoncé duquel je suis en désaccord,

""- Boire ses portos vintages tout au plus cinq ans après l'année de la récolte.""

On parle ici de branché comme une mode, non pas par la bonne approche face au Porto vintage. Il y a quelques années il était branché de boire le Champagne à la paille. On vise ici surement Mr et Mme tout le monde qui veut avoir du plaisir et se faire remarquer un peu. Dans ce cas, le Porto Vintage est de plus en plus agréable à boire en jeunesse qu'il y a 20 ans et se vend de moins en moins bien au Québec surtout, alors pourquoi ne pas lancer une nouvelle mode... Cette mode est aux USA depuis plusieurs années déjà, question de temps avant qu'elle traverse au Canada.

Ludwig Desjardins a écrit:
Également, je trouve douteuses les comparaisons avec la mécanique et la kinésiothérapie, domaine où il existe des certitudes contrairement au vin, et qui n'ont rien à voir avec l'appréciation ou le plaisir comme tel.

Bien sûr, les analogies ne sont pas parfaites, mais le fait qu'il y ait des certitudes ou pas ne change pas, il me semble, l'idée selon laquelle on reconnaît des expertises et pas d'autres.

Aubry parle de goût, alors que Theise parle d'expertise, ce qui me semble deux choses bien différentes.

Tout le long du chapître, Theise par de goût également. Il est surprenant de voir des gens ne pas reconnaître que le fait de travailler des décennies à une activité telle la dégustation et la culture du vin mène à quelque chose de substantiel, alors même que ces personnes passent elles-même des centaines d'heures à "apprendre le métier"...

Olivier Collin a écrit:Tout le long du chapître, Theise par de goût également. Il est surprenant de voir des gens ne pas reconnaître que le fait de travailler des décennies à une activité telle la dégustation et la culture du vin mène à quelque chose de substantiel, alors même que ces personnes passent elles-même des centaines d'heures à "apprendre le métier"...

Je pense que ça apporte clairement quelque chose, mais avant tout à soi-même et dans le partage au sein d'une culture du vin, il faut le reconnaître, assez hermétique comme dans tous les domaines où l'on tente d'intellectualiser un peu son appréciation.

Les experts en cinéma se diviseront entre ceux qui ont aimé le dernier Haneke et ceux qui détestent toujours Haneke. Je rejoins donc un peu Aubry sur le fait que l'amateur qui débute a tout intérêt à se forger davantage sa propre appréciation, plutôt que de calquer ce que disent les experts ou d'acheter ce qui est bien vu dans les cercles fermés de connaisseurs.

Outre le "trancher" douteux dans sa phrase comme tu le soulignais, je pense qu'il veut surtout encourager les gens à ne pas être intimidés par l'expert, à découvrir davantage par eux-mêmes le vin.

Sinon, de la part d'un expert qui note les vins, sa critique de Parker et sa "supercherie" me semble assez déplacée...

Ludwig Desjardins a écrit:l'amateur qui débute a tout intérêt à se forger davantage sa propre appréciation, plutôt que de calquer ce que disent les experts ou d'acheter ce qui est bien vu dans les cercles fermés de connaisseurs.

Ca s'est très différent que de dire que tous les goûts se valent. Je suis 100% d'accord avec cette recommandation, qui relève selon moi plutôt de l'authenticité de la démarche que d'une négation des bienfaits de l'expérience.